Marigot à l'honneur - Episode 1
Bon... Le changement d'heure aura eu raison de moi (faut bien trouver une excuse hein). Encore un loooonnnnngggggg mois sans poster. A force de vouloir faire tout un tas de choses, correctement, ben on finit par n'avoir le temps de rien faire... Bref...
Aujourd'hui, je veux partager avec vous un petit projet qui me tenait à coeur. Un grand plongeon dans mes origines, qui sont d'ailleurs communes à plusieurs personnes. Plusieurs personnes qui ont accepté de participer à ce projet. Et donc, plusieurs personnes que vous aussi, allez pouvoir découvrir.
Si vous avez bien capté toutes les informations (objectif 1 : cibler les vrais lecteurs, ah ah), vous aurez sans aucun doute remarqué le titre de mon article. Celui-ci fait référence à la commune, la toute petite commune d'où je viens en Martinique : le Marigot.
Une commune qui gagnerait à être mise plus souvent en valeur, tant pour ses richesses patrimoniales que pour sa population chaleureuse. Mais je n'en dis pas plus pour le moment. Aujourd'hui, je laisse la parole à Julie. J'espère que vous prendrez autant de plaisir que moi à découvrir son témoignage. Enjoy ^^
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Regard vers l’horizon, vers le monde
Moi, la Baie Fonds d’or et le rocher de Pain de sucre
Bonjour Julie… Un grand merci déjà de partager avec nous ta vision de la commune. Est-ce que tu peux nous décrire un petit peu ton parcours ?
C’est assez drôle, c’est la première fois que je réponds à une interview et que je puise aussi loin dans mon passé. Je ne parle jamais de moi ni de ce que je fais car, pour moi, les gens voient par eux-mêmes ; bien que je dise souvent : "il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir".
Mon parcours est d’abord médicosocial puis culturel mais, il aurait pu être juridique. Je ne suis pas devenue pédiatre ni juge pour enfants et encore moins sage-femme alors même que j’avais commencé ce cursus à mon arrivée en Métropole, après mon Baccalauréat F8. Après un concours, je suis intégrée au Service social du Conseil Général du 93, et projetée dans la vie active.
En dehors de ce cadre professionnel où je m’épanouissais pleinement, j’avais fait le choix d’élargir mes compétences et privilégier la carte de la polyvalence (je préparais déjà mon retour en Martinique). J’ai pu suivre des formations en photographie, pâtisserie, psychologie, gestion, informatique... A mon retour en Martinique une dizaine d’années plus tard, j’ai continué avec l’écriture journalistique, la culture, la communication, la gestion, le droit, l’animation...
En Martinique, j’ai travaillé dans le privé, à mon compte, dans des administrations publiques et para-communales et dans un centre de formation pour adultes (CFA); avant d’intégrer le Service Culturel de la ville du Marigot puis la Communauté de Communes du Nord de la Martinique où je suis depuis 2006.
Je suis fière d’être multi-polyvalente et mes expériences me permettent d’avoir une certaine capacité d’adaptation. En ce qui concerne mes hobbies : la photo, la vie associative dans sa globalité et notamment, l’animation avec les enfants.
Tu habites depuis des années dans la commune… Y fait-il bon vivre ?
Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il ne fait pas bon vivre au Marigot mais la commune souffre depuis quelques temps de l’absence de volonté municipale. J’ai l’impression que la population vit un véritable « stress collectif ».
C’est une commune où les forces vives fourmillent d’idées qui, hélas, sont bloquées par le système. C’est un « marigot » (dans le sens premier du mot), qui se situe entre deux communes ayant pris le pari d’un développement durable, Sainte-Marie et Lorrain.
Au Marigot, il n’y a aucune politique de développement économique, de promotion, touristique, de développement durable, de transport, d’insertion ; aucune politique culturelle, sportive, éducative… Il y a une réelle absence de perspective et de dynamique dans quelque domaine que ce soit…
Pourtant, c’est une belle commune pittoresque qui peut s’ouvrir sur le Monde. Je suis assez chauvine aussi elle reste dans mon cœur la plus belle. Tu peux aussi comprendre pourquoi j’ai mal à mon cœur de la voir dans un tel état.
Quelle est, selon toi, l’endroit incontournable au Marigot ?
Difficile à dire en ce moment, sans tomber toutefois dans le pessimisme. Il n’y a pas d’endroit incontournable mais beaucoup de lieux à mettre en valeur, et qui deviendraient alors peut-être incontournables. Je veux donner comme exemple, le site de Baignoire, les ruines de l’ancienne usine Le Lorrain, le bourg avec le port et le quai, la ravine Tèt Sô, Grand Dégras, Charpentier vue du « Morne des croupières », Papin...
Je crois savoir que tu es présidente d’une association au sein de la commune. Peux-tu nous en parler ?
Oui, actuellement je suis présidente de l’Association Culture et Loisirs des Jeunes (ACLJ), une association phare au sein de la commune et ce, depuis douze ans. Je suis également présidente d’un comité d’œuvres sociales et je siège au sein d’une ligue et d’autres structures.
L’ACLJ est une association qui a pris le pari sur le développement harmonieux des enfants et des jeunes. Elle forme les adultes de demain et surtout les futurs bénévoles (denrées de plus en plus rares). En effet, au sein du conseil d’administration de l’ACLJ, il y a un quota d’enfants et jeunes de douze à vingt-et-un ans.
L’ACLJ s’occupe d’enfants dès l’âge de quatre ans, d’adolescents, de jeunes et de parents. L’association dispose d’un groupe de majorette-twirling « Etincelle », d’un groupe de danse enfants « Fleur de Krystal », d’un groupe de danse jeunes « Krystal Kréol » et d’un groupe vocal enfants et jeunes « Chœur de Krystal ».
L’ACLJ, chaque année, s’arrête sur les droits et devoirs des enfants. Le 20 novembre 2011, dans le cadre de la journée internationale des droits de l’enfant, dont le thème est « Sa ki ta nou » [ndlr, ce qui est à nous], elle va rendre hommage à Max Ransay, un chantre de la musique traditionnelle qui est mort en 2003.
L’ACLJ est la vitrine de la commune car c’est une association ouverte sur la Martinique et l’extérieur.
Je parlais plus haut des forces vives freinées par le système ; on peut dire que c’est le cas de l’ACLJ qui malgré ses quatre-vingt-dix adhérents ne dispose pas de siège et, les mercredi et samedi après-midi, squattent les espaces libres pour ses activités. Je disais aussi : "il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir"...
J’ai le sentiment que tout est mis en œuvre pour détruire ce qui résiste dans la commune. Je peux t’affirmer que diriger une association comme celle-là, qui plus est SDF, n’est pas une sinécure.
Dans cette période (le mot est choisi volontairement) que traverse notre Martinique, il y a beaucoup de choses qui sont dites en façade mais rien n’est mis en place pour préparer la société de demain. Au Marigot comme ailleurs, sans doute, les politiques et les adultes dirigeants, attendent que les maux s’installent pour tenter de les soigner plutôt que de prévenir.
Des enfants et des jeunes occupés, éduqués, encadrés et formés très tôt, c’est moins de délinquance et de déviance demain.
Il n’y a pas besoin de sortir de grandes écoles pour comprendre et parler avec son peuple ; il faut simplement être à ses côtés. Il faut savoir regarder ses enfants, prendre leurs pouls, sentir leurs respirations, leurs ressentis, pour savoir quand ils vont mal. N’attendez surtout pas qu’ils répondent à des questionnaires ou encore qu’ils frappent à la porte…
Je vais arrêter mes propos ici car il y aurait tant de choses à dire sur notre société qui assiste au génocide de ses enfants. Hélas, ici le « moi je » a remplacé le « nous ».
La commune regorge d’artistes, plus ou moins célèbres, plus ou moins talentueux. L’inoubliable à tes yeux ?
J’aurai pu dire Eugène Mona car, à ma manière je lutte pour qu’il ne tombe pas dans l’oubli. Je suis déçue que la commune du Marigot n’ait pas pris la dimension de cet artiste et soit restée dans une célébration festive de l’anniversaire de sa mort.
Il ne faudrait pas oublier Alex Martin, Eugène Delouche mais aussi, Thimothée Hérelle, Marc Chéry, Sylviane, Dominique et Frantz Lorté, Jean Gros-Désirs, Georges Yerro, Louis Nordin, Gilot Béraud, Honorat Gros-Désirs…
Ne pas oublier Victor Anicet (rien ici n’est mis en œuvre pour s’approprier cet homme d’une très grande richesse culturelle, ce plasticien céramiste de renommée internationale), Denis Hérelle, Roland Pavilla, Bernard... et les inconnus, les talents cachés qui ne demandent qu’à exploser.
L’adage « Nul n’est prophète dans son pays », je crois bien qu’il a été écrit pour le Marigot.
Au vu de ton engagement politique lors des dernières élections cantonales, j’imagine qu’il y a des choses que tu voudrais voir changer au Marigot. Quelles seraient-elles ?
Je ne suis pas une politicienne mais quelqu’un qui ne pratique pas la langue de bois et qui refuse de croiser les bras alors que tout va mal.
J’ai fait miennes des citations d’Aimé Césaire : "Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche ; ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir" ; "Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleur n’est pas un proscénium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse".
Pour revenir sur mon engagement politique, il s’agissait pour moi d’éveiller les consciences et de faire entendre la voix d’une femme au Marigot. C’était aussi l’occasion pour une femme qui connaît les problématiques du Nord de la Martinique de se faire entendre.
Je suis élue municipale d’opposition depuis 2008 et cela me permet de dire ce que je pense. Je peux bénéficier de la même tribune que ceux qui gouvernent la commune. Mon vote n’est pas majoritaire mais mes interventions ont parfois permis d’échapper au pire.
Je n’ai pas la prétention de vouloir changer les choses au Marigot. Je voudrais que nos politiques fassent leur examen de conscience. Qu’ils aient l’honnêteté de reconnaître leur échec et de laisser la place avant que la commune ne sombre dans un cahot total. C’est Frantz Fanon qui disait que "chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir". No comment !
Le mot de la fin : quel message voudrais-tu faire passer ?
Encore une citation d’un grand philosophe, Goethe : "Quoique tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie". Rappeler que nous sommes tous de passage sur cette terre et que nous ne savons pas pour combien de temps. Que chacun fasse son examen de conscience et accomplisse au mieux sa mission, avec humilité et abnégation...
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Et voilà... Comme j'ai coutume de dire "la pomme ne tombe jamais très loin de l'arbre" : comprenne qui pourra. LOL...
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